L’école primaire de mon enfance était une toute petite école qui comprenait 8 classes regroupant des élèves de la 1re à la 9e année. Une classe pouvait avoir des élèves de différents niveaux.
Gueling-Guelang, Gueling-Guelang ! La journée débutait par la professeure qui appelait les élèves jouant dehors. La grosse cloche résonnait en début de journée. C’était le signal pour nous de se placer en rang deux par deux, et ce en SILENCE. On était deux rangées par classe et on se plaçait dans le rang par ordre de grandeur. Je n’étais pas très loin du début de la ligne. Les classes étaient mixtes.
À mon souvenir, dans la classe, il n’y avait pas d’estrade pour le bureau du professeur. Des grands tableaux noirs avec les craies et des brosses de feutre. J’aimais l’odeur de la craie ; une odeur bien particulière des salles de classe. Sans oublier l’aiguise-crayon dans le coin de la porte de la classe, qu’il fallait utiliser qu’au début des cours seulement. Fallait pas se lever pour rien. Un timide crucifix en haut de la porte de classe et sur les murs, des affiches des tables de multiplication, les lettres, des cahiers d’écriture à lignes doubles, des cartes du monde, ça me faisait tellement rêver ces cartes-là. Je découvrais le monde.
Grande lunatique à l’école primaire toutefois j’étais très polie, sociable et m’occupait de mes affaires! Vous en déduirez que la bollée ou si vous préférez LA douée de la classe ce n’était pas moi! Ma collection des plus beaux collants dans mes cahiers était mince. Ni beaucoup d’images également. Me croirez-vous si je vous dis que j’ai encore quelques images saintes que les professeurs m’ont données à l’élémentaire? Ben oui! j’en ai encore. C’est rare ça. Je pense bien que ma sœur aussi en a encore. Elle qui ne jette rien! J’adorais les cours de géographie et d’histoire. J’avais dont hâte que ces cours arrivent. Ça me passionnait. « Prenez vos cahiers! » Ah l’odeur du papier neuf et du coffre à crayon en cuir ou faux-cuir. Ça sent-tu bon!
Je me souviens également que nous n’avions pas le droit de porter des pantalons. Çà prenait une raison bien spéciale pour en porter. Un jour, dans la matinée, ma mère vient me chercher pour un traitement à l’hôpital et me retourne après le rendez-vous à l’école alors que je portais un pantalon. Papier en main, signée par ma mère, j’ai dû rencontrer la directrice de l’école pour avoir l’autorisation de retourner en classe.
Mon école primaire était assez récente et elle remplaçait les écoles de rang. Située au centre du village et juste à côté de l’église; ça facilitait la visite du bon curé (Isidore Lauzière) qui venait une fois par mois pour les confessions. Un p’tit prie-Dieu assez bas en bois blanc sur lequel on s’agenouillait, au bout du corridor, entre deux classes. Vivement la queue leu leu des élèves en attente de son tour en SILENCE, ça facilitait la réflexion et trouver un péché qui a du bon sens. Se confesser de quoi ? On en cherchait, on en inventait;
- «Mon père je demande pardon pour ne pas avoir toujours écouté mes parents ». La phrase clé qui fonctionnait a tout coup. Était-ce un péché ?
J’imagine que je n’étais pas la seule à le faire. Le curé fort solennel nous écoutait, un après l’autre. Après avoir reconnu mon péché, le bon curé me donnait comme « Pénitence » un Je vous salue Marie et tout était pardonné. Fiou! Mon âme était sauvée jusqu’au prochain mois. Je repartais le cœur léger. Ce rituel-là faisait partie de l’enseignement à cette époque. Que voulez-vous! c’était ça qui est ça!
Ces grands de l’école
Donc je côtoyais les grands, les plus âgés de la 7e, 8e et 9e année. Autant à l’école que dans l’autobus. Aussi bien filles que garçons. Pas facile pour une petite fille gênée, je les trouvais intimidant. Je me tenais le grain fin ou, si vous préférez, sur mes gardes; je vous l’dit. Un soir, lors du retour en autobus, un grand et beau jeune homme m’a enlevé ma tuque. Je le connaissais ce grand-là. Il travaillait à la ferme avec mon père lors du temps des récoltes. Ça sûrement dû arriver à bien du monde, un de ses quatre, de se faire arracher la tuque sur la tête par un plus grand. Sauf que dans l’autobus tu ne peux pas trop chialer et ni te défendre. Surtout pas moi, ça n’était pas mon genre. Je n’avais pas trop de guts, j’étais bien trop jeune. Je peux vous dire que mon cerveau détectait une réelle menace. Avec mes yeux d’enfant, impossible d’avoir une lecture objective de la situation. Sa grandeur m’effrayait.
- Envoye, t’as veux-tu ta tuque?
Orgueilleuse (j’ai commencé jeune à l’être) je me disais dans ma tête: « Tu peux bien la garder ma tuque, si tu penses que je vais brailler ma vie pour l’avoir, attend que je le dise à mon père! ».
- Allez, lambineuse! viens; prends-là
Avec mes yeux de chevreuil effarouché, je suis demeurée stoïque, aucun son.
Pour le trajet du retour de l’école à la maison, on prenait la route du Village et c’était un mile de long. Pas long comme distance, mais juste assez pour trouver ça long, pour faire mon indifférente et attendre si en débarquant il me remettait ma tuque. J’avais-tu hâte rien qu’un peu qu’il me la redonne… Et s’il la gardait, j’avions déjà décidé que je débarquerais de l’autobus sans elle. Quémander en plus ? il n’en était pas question. Il me l’a redonné. Ce n’était pas méchant de sa part. Avec son sourire pepsodent, il dit : C’tait juste une blague! Son intention n’était méchante. Je m’en souviens encore. Je l’ai côtoyé à plusieurs reprises étant donné qu’il travaillait pour mon père. Il y a plusieurs années, lors de retrouvailles de classe du primaire, je lui ai partagé ce souvenir. Étonné, il m’a dit qu’on taquine les personnes que l’on aime bien.
Camp de jour, bonheur d’été?
Cet été, lors de nos vacances annuelles, chéri et moi avons visité beaucoup d’endroits dont la magnifique ville de Magog. Nous avons pu apprécier le Parc de la Baie-de-Magog, qui longe le lac Memphrémagog. Il est super grand ce parc qui est propice à la détente. On peut soit pique-niquer ou on peut tout simplement flâner, ou faire une pause sur la plage, soit se promener à pied, à vélo ou autre… On n’était pas seuls dans ce parc en fin de matinée. Des groupes de camp de jour étaient présents afin de passer une journée mémorable en nature. Voyant que j’étais figée devant un groupe à les observer, mon chéri m’a demandé:
- Qu’est-ce qui t’intéresse tant? »
- Ça me fascine de voir aller les moniteurs. Hé! t’ai-je mentionné que je fus monitrice d’un groupe de jeunes pendant un été vers mes 15 ou 16 ans?
- TOI !? dit-il tout surpris
- Ben oui, moi
- Mon Dieu, tu ne m’as jamais dit ça! Hé que je ne te vois pas là, ce n’est vraiment pas ton genre me taquina-t-il. Tu n’es pas patiente aujourd’hui alors tu devais l’être encore moins dans ce temps-là!
- Bon c’est bon, tu t’es fait plaisir là, mais t’as bien raison, m’exclamai-je!
Ben oui! j’ai fait ça moi être animatrice d’été d’un groupuscule, d’une dizaine d’enfants tout au plus. Fallait être créatif, être à la recherche d’activités, de chansons, de bricolages, et fouiller constamment dans notre cervelle pour de nouvelles idées qui n’ennuieraient pas les enfants. Bof! Je n’ai pas tant aimé cette expérience sauf que dans notre petit village y’avait pas beaucoup de possibilités d’emploi d’été et faire autre chose de nos dix doigts à part travailler au champ.
Pourquoi pas moi?
À la fin d’une journée de camp d’été, souvent quelques garçons et filles de mon âge et même un peu plus vieux, flânions dans le seul parc municipal avant de retourner à la maison en vélo. Y’avait un de ses gars; ohboyboy! Pas celui de la tuque non, non.. Un autre. Tsé! un garçon dont toutes les filles rêvent de sortir avec lui; une VEDETTE genre, ben y’en avait un dans le groupe. Une belle gueule, très sûr de lui il faisait de l’effet je vous le dis! Y’avait de quoi à se faire virer à l’envers. La musique particulièrement présente à ce moment-là: « My sweet lord » de Georges Harrisson.
En fait, on se sentait Cendrillon et lui le prince. Tsé l’histoire d’une princesse qui rêve à l’amour. Eh que j’étais donc naïve.
Souvent, on étirait l’heure du retour à la maison. Flâner dans un parc qui ne l’a pas fait, hein? C’était le parc de mon adolescence, le parc de la « cruise ». Ce fut l’époque du premier baiser, des premiers flirts. On était quand même assez sage, pas trop Rock & Roll. Et ce fut également un moment crucial ou ce prince me dit ceci à la fin d’un après-midi:
- Prince: » tu sais, t’es pas vraiment belle toi, mais quand tu seras vieille un jour, tu le seras ».
- Moi: Hein?
- Moi: *silence, les yeux grands ouverts*
- Prince: bon bah il faut que je te laisse, je dois y aller.
- Moi: OK, bye-là
- Moi: Mautadit je suis niaiseuse ! c’est exactement ce que j’ai pensé à ce moment-là
J’aurais dû lui donner une bonne tape dans le dos, afin de l’envoyer valser, en blaguant tout en étant sarcastique: » bien oui toi, eh que t’as donc raison ! Mais non, rien de rien.
Bon ben ça y est, le plus beau prince de la « planète » vient de me confirmer que je suis laide. A-t-il raison? Misère, je ne sais pas! Tout d’un coup je viens de passer de Cendrillon à Javotte, la demi-sœur de Cendrillon. Je m’en rappelle encore comme si c’était hier avec le décor pis tout. Nous étions assis dans l’estrade vide de baseball. Ça m’a marquée, troublée et remise en question. Je me suis sentie tellement triste et moche. Je n’en ai jamais parlé à ma mère. Je ne peux pas dire que j’en ai ragé moi qui pourtant étais plutôt rebelle et avais le chignon raide à l’adolescence comme disait mon père. Non au contraire, je me suis sentie diminuée. Je regardais les filles qui semblaient lui plaire et me comparais à elle. Pourquoi pas moi? Je savais que je n’étais pas top canon comme on dit, mais du moins je n’étais pas un pichou, en tout cas c’est ce que je pensais. Combien de fois j’ai pu répéter cette phrase ? Des milliers et des milliers de fois.
Je vous l’ai déjà mentionnée que je fus rebelle dans mon adolescence. Bien sûr qu’il y avait aussi l’autorité parentale que je contestais fortement. Quand on est adolescente, on ne veut surtout pas se faire dire ça qu’on est laide! À force d’y penser, ma rébellion me servait de revanche en fait ou plutôt un moyen de défense. La peur du ridicule, de ne pas être comme les autres filles. Je me disais : »OK je n’ai pas de chum, ceux que j’aimerais bien fréquenter, bah ils ne sont pas intéressés. Bon c’est-tu à cause que j’ai chaussé des bottines du a un problème de cheville? Je ne suivais pas trop la mode. Dans ma famille, on portait souvent des vêtements donnés par nos cousins cousines. Et nous étions fort contents d’en avoir et pratique aussi pour mes parents. Même aujourd’hui mes filles et belles-filles s’échangent du linge entre elles et appellent ça de la revalorisation (cycle de recyclage) ; alors que nous c’était, à cette époque, la logique de l’économie, le recyclage c’était encore une façon de faire inconnue. On n’était pas riche, mais on ne manquait de rien d’essentiel, je vous rassure.
« Quand je serai vieille » même encore aujourd’hui j’y pense encore. C’est quand ça le moment où je serai vieille? Qu’est-il advenu de ce prince pas charmant ? Est-il encore vivant? ou demeure-t-il? Aucune idée… et Cendrillon ou plutôt Javotte ne veut surtout pas savoir quand elle sera vieille en fait.
Cette phrase assassine était-ce de l’intimidation? À cette époque ce n’était pas connu comme terme. Faut-tu être belle pour réussir en amour? Je n’étais outillée pour faire face à cette déception causée par une malheureuse phrase. Je dirais simplement que cette phrase était bête. Et on répond quoi? Si t’es pas jolie, sois au moins polie! Quand j’y pense, je peux vous dire qu’en tout cas, polie, je l’ai été et je suis encore. Haha! Une valeur familiale et aussi une valeur au cœur des valeurs chrétiennes que mes parents nous avaient inculquées.
Il aurait mérité un bon coup de pied au c… et je me suis retenue. Je fusse polie! voilà bien une citation humoristique que l’on a entendue souvent et que l’on répète encore. Si t’es pas jolie, sois au moins polie! En fin de compte la beauté n’a rien à voir avec l’amour.
Retour à l’école de mes petits-enfants
En cette rentrée scolaire, trois de mes petits-enfants retournent ou débutent l’école cette année. J’espère qu’ils s’y plairont. J’ai quelques pincements au cœur craignant que mes petits-enfants reçoivent des insultes ou soient ridiculisés à l’école. Malheureusement nous ne pouvons pas éduquer tout le monde autour de nos chéris. Même adultes, nous ne sommes pas conscients de la portée de nos phrases. Alors comment voulez-vous qu’un enfant le soit. Par contre, à voir aller mes petits-enfants, ils seront capables de se débrouiller. Ils ont la soif d’apprendre, sont curieux et expressifs. Je leur fais confiance.
Je leur souhaite de la réussite à mes petits-fils, mais avant tout j’espère qu’ils auront tous les outils pour RÊVER de leur avenir et que l’adaptation à cette nouvelle aventure soit facile. Il va y avoir des situations inimaginables c’est sûr et certain. Mes parents étaient là pour moi, et les parents de mes petits-enfants sont également là pour eux pour leur apprendre à grandir. Je suis donc rassurée.
Arrivederci!
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